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Le 21 juillet dernier marque une date symbolique dans l’histoire de l’Union Européenne. Après plus de quatre-vingt-dix heures de négociations, les Vingt-Sept ont adopté un plan de relance pour l’Europe afin de faire face à la crise économique due au COVID-19. L’accord est spécifique et modifie les conditions de ‘Next Generation EU’, le projet de relance économique proposé par la Commission européenne le 27 mai dernier.
LE PLAN DE RELANCE EUROPÉEN
« Jour historique pour l’Europe !». C’est ainsi que le président français, Emmanuel Macron, décrit ce qui vient de se réaliser lors du dernier Conseil Européen. Le commentaire de Macron suit le cri de victoire du président du Conseil européen, Charles Michel, qui à 5h32 du matin publie un tweet ensuite devenu viral: « Deal ».
En effet, il s’agit véritablement d’un jour historique pour l’Union européenne, et ce pour plusieurs raisons.
Dans le cadre du plan de relance pour l’Europe, la Commission européenne émettra des obligations sur les marchés financiers au nom de l’UE et pour un montant de 750 milliards d’euros, pour la période 2021-2024.
En émettant ce que l’on a nommé les ‘Corona bonds’, l’Union Européenne met à disposition des investissements financiers importants pour les pays les plus frappés par la crise économique résultant de la pandémie, l’Italie et l’Espagne en tête, que l’on désigne avec la Grèce et le Portugal comme les ‘Mediterraneans’. Sans un tel projet, les Mediterraneans n’auraient pas eu les moyens disponibles s’endetter afin de relancer leurs économies, puisqu’ayant déjà des déficits publics parmi les plus hauts d’Europe. Pourtant, en réalisant une mutualisation de dettes publiques des États membres, cette opération concrétise enfin le principe de solidarité tel qu’énoncé dans le Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne (‘TFUE’), en adoptant une solution commune pour l’Union européenne toute entière.
Cet accord historique modifie la proposition initiale de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. Cependant, le montant de la valeur des opérations ne change pas: les obligations émises vont garantir un total de 750 milliards d’euros en investissements. Toutefois, c’est la répartition des chiffres destinés aux subventions et prêts qui change. En effet, les subventions vont être de 390 milliards d’euros, au lieu des 500 milliards initialement prévus, alors que les prêts seront de 360 milliards, contrairement aux 250 milliards proposés.
Ce changement s’explique par préoccupations des pays dits ‘frugaux’, à savoir les Pays-Bas, le Danemark, la Suède et l’Autriche, c’est-à-dire les pays les plus hostiles à un budget européen trop important. Et en effet, si les prêts vont être remboursés par les Etats bénéficiaires entre 2028 et 2058 (à de meilleures conditions que celles des marchés), les subventions vont être remboursées par l’ensemble des États membres à travers le budget pluriannuel. Cette opération a pourtant un impact considérable surle prochain cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027, qui s’élève à 1824,3 milliards d’euros.
LES OBJECTIFS DE LA REPRISE
En quoi consistent concrètement les objectifs européens pour la reprise? Selon les accords, le plan de relance Next Generation EU se fonde sur trois piliers fondamentaux.
Le premier, qui prévoit la majorité des financements, est destiné à aider les États membres à se remettre de la crise, en soutenant les investissements et les réformes, ainsi qu’une transition juste, c’est-à-dire une transition écologique vers une économie neutre pour le climat.
Le second pilier vise à stimuler les investissements privés et aider les économies nationales, en renforçant surtout le programme InvestEU et en prévoyant un nouvel instrument de soutien à la solvabilité.
Enfin, le troisième pilier est désigné à tirer les enseignements de la crise. Pour la plupart, il s’agit d’élaborer un nouveau programme pour la santé, afin que les systèmes sanitaires soient prêts pour une autre (éventuelle) pandémie voire épidémie, et renforcer RescEU, le mécanisme de protection civile de l’UE.
En analysant ces objectifs, il est évident qu’il s’agit d’un plan ambitieux, qui nécessite un budget important. La majorité des fonds a été accordée à l’Italie, qui crie victoire en obtenant 209 milliards d’euros partagés entre subventions et prêts. Suivent l’Espagne et la France, qui obtiennent respectivement 140 (subventions et prêts) et 40 (subventions uniquement) milliards d’euros.
LES CONDITIONS ET LES ÉTAPES
Comment les pays pourront-ils accéder à ces fonds?
Instituer une dette commune implique le respect de conditions de la part des pays les plus frappés par la crise afin de garantir ceux qui, à travers leurs bilans nationaux, vont rendre possible l’émission des subventions.
Il est donc prévu que les pays bénéficiaires du plan présenteront au préalable un programme de réformes et d’investissements jusqu’en 2023, en respectant plusieurs critères environnementaux et économiques. Chaque pays devra destiner 30% des fonds aux objectifs européens sur la neutralité climatique, notamment celui de neutralité carbone à l’horizon 2050. De plus, chaque État devra respecter le semestre européen, c’est-à-dire la coordination des politiques économiques et budgétaires au sein de l’UE, en matière de réformes structurelles et face à la prévention des déséquilibres macroéconomiques.
Bien que les Pays-Bas et les autres pays frugaux aient fait pression sur le point, les États membres ne pourront pas faire valoir leur veto sur les plans nationaux présentés à la Commission: pour l’accès aux fonds, il suffira que les Vingt-Sept approuvent les projets avec une majorité qualifiée. Cependant, si un État membre considère qu’un plan national ne respecte pas les critères définis, il pourra demander que soit saisi Conseil européen. Après l’approbation des plans, le versement de 70% du montant aura lieu entre 2021 et 2022, alors que les 30% restants seront versés en 2023.
Pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, le versement pourra être suspendu en cas des violations de l’État de droit et de la démocratie. Il s’agit d’une mesure visant à protéger les principes fondateurs de l’UE face aux dérives de certains pays, surtout la Hongrie et la Pologne, deux régimes nationalistes qui ont sacrifié la liberté d’expression et de la presse, selon les dires de Bruxelles, et qui risquent de commettre des violations de droits fondamentaux sous le prétexte d’assumer pleins pouvoirs pour faire face à cette pandémie.
LES CRITIQUES
L’approbation de l’accord n’est pas simple. Cela est notamment le cas parce qu’il est inévitablement lié au budget financier.
Le 23 juillet dernier, à travers une résolution adoptée par une large majorité, le Parlement Européen a menacé de ne pas approuver l’accord trouvé par les chefs d’État si un autre n’était pas trouvé.
L’approbation du Parlement n’est pas nécessaire pour mettre en place les fonds de relance de 750 milliards, mais les eurodéputés doivent se prononcer sur le cadre financier pluriannuel (CFP) avant la fin de l’année, sur lequel le plan de relance est adossé.
L’accord est considéré insatisfaisant, de même que le budget approuvé, de 1074 milliards, contre le 1100 proposés par la Commission et le 1300 par le Parlement. D’après une vaste majorité de partis, des coûts inconciliables avec les objectifs du plan ont été apportés. Par exemple, les eurodéputés dénoncent des fonds insuffisants sur le plan de la santé et de la recherche, mais aussi dans le domaine du climat et de la mobilité des jeunes à travers des projets comme Erasmus+.
Le Parlement a le pouvoir d’approuver ou rejeter le budget, non pas de l’amender. En conséquence, de nouvelles négociations devront avoir lieu entre le Parlement et le Conseil.
REMARQUES FINALES
Les politiques pour l’environnement, la mise en place de réformes structurelles dans le domaine économique et le respect de l’État de droit: voir les trois conditions pour avoir accès aux fonds européens, mais surtout pour écrire le futur de l’Europe après la pandémie.
Le monde entier fait face à une récession sans précédent, et l’Union Européenne lui fait face avec courage et ambition. La solidarité européenne trouve, dans le Next Generation EU, une application concrète. Les pays du Sud bénéficieront d’opportunités pour relancer leurs économies, affaiblies depuis la crise du 2008.
Les parlements nationaux auront la responsabilité d’élaborer des plans structurés et ambitieux avant la fin du 2020, afin de les présenter au début de l’année prochaine. Les leaders politiques devront écouter la population et prendre des décisions en ligne avec les nouveaux défis du XXI siècle, parmi lesquels le changement climatique. Il faudra adopter une vision à long terme, et ce afin de faire des investissements structurels qui seront à même de favoriser la reprise économique.
Bruxelles est prête: est-ce que les États membres le sont aussi?
- Quelles réformes s’avèrent nécessaires pour favoriser la reprise économique?
- Est-ce que les gouvernements vont mettre en place des outils pour consulter l’opinion publique?
- Est-ce que l’accord sera modifié à nouveau pour que les eurodéputés approuvent le cadre financier pluriannuel?
Ressources supplémentaires
European Commission, Recovery Plan for Europe
Ispi, Consiglio Europeo: ecco l’accordo sul Recovery Fund
Le Monde, Pourquoi le plan de relance européen est une petite révolution
Les Echos, Plan de relance européen : les six points clés de l’accord